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Lucien Burguet est l’un des derniers mineurs encore vivants du bassin houiller creusois

16 Novembre 2012 , Rédigé par REVEL Stephane Publié dans #Patrimoine minier

Lucien Burguet habite à Lavaveix-les-Mines. C’est l’un des derniers mineurs vivants a avoir extrait le charbon du bassin houiller de la commune.

Né en 1929, Lucien Burguet est descendu à la mine pour la première fois en 1946 à l'âge de 16 ans, suivant les pas de son père et de son grand-père. Pour lui l'extraction du charbon est une histoire de famille : la sienne, quelques années après 1777 – lorsque les premiers morceaux de charbon furent extraits – a contribué à façonner Lavaveix-les-Mines, ville champignon construite par les mineurs au fur et à mesure que le sous-sol gagnait en profondeur. L'école, la chapelle, les maisons : tout est né de l'exploitation des gisements.

Travailler dur…
pour les actionnaires

Lucien travaillait à Courbarioux, à cinq kilomètres de Lavaveix. Ils étaient 200 chaque jour à creuser afin de sortir la houille. « A l'entrée, nous récupérions nos outils, ensuite nous descendions à plus de 200 mètres de profondeur, grâce à un ascenseur », explique Lucien.

Ils se relayaient, tantôt en tant que piqueur, abattant le plus de minerai possible, tantôt pour peller le charbon dans les bennes, une tâche un peu moins éprouvante. Il fallait aussi assurer le boisage des galeries, c'est-à-dire les soutenir à l'aide de planches afin de prévenir les éboulements. Enfin, ils devaient surveiller le grisou qui, à la moindre étincelle, pouvait exploser. Le travail était dur mais la solidarité régnait : « Les piqueurs travaillaient souvent accroupis, à genoux, voire à plat ventre, continue-t-il. Nous mangions sur place, quand on avait le temps, et on travaillait parfois la nuit, nous faisions, deux journées en une ! Mais jamais plus je n'ai revu pareille solidarité. On partageait notre morceau de pain avec celui qui n'en avait pas, on se respectait. Beaucoup ont contracté la silicose, une maladie pulmonaire, alors nous aidions les anciens au jardin ou pour chercher de l'eau. Ça ne se commandait pas, c'était naturel », se souvient-t-il. Les mineurs étaient payés au nombre de bennes sortant du chantier : elles faisaient 700 litres, ils pouvaient en remplir jusqu'à vingt par jour à deux ! D'autant que les mines appartenaient à des actionnaires privés. S'il n'y avait pas assez de rendement, les ouvriers avaient une amende, et à terme se faisaient renvoyer : « Ça ne changeait pas d'aujourd'hui, leur but était de s'enrichir » explique Lucien.

« Lavaveix existe grâce aux mines. Mais aujourd'hui il ne reste
plus rien »

Lucien est resté à la mine de Courbarioux jusqu'à sa fermeture : « Dès 1945, on nous a demandé de reconstruire la France, mais quelques années plus tard ils nous ont poignardés dans le dos : la création de la Communauté européenne du charbon et de l'acier (CECA) en 1953 a marqué un tournant. À partir de ce moment-là, les mines ont commencé à fermer, le charbon venant de l'étranger. Nous avons fait un mois et demi de grève, en vain : en 1963, Courbarioux fermait. J'ai ensuite travaillé trois ans à la mine de Lavaveix, avant de rejoindre Guéret pour travailler dans le bâtiment. Le Bassin de Lavaveix fut fermé en mars 1969 ».

Si, malgré la rudesse du travail, Lucien garde un bon souvenir de la mine, il ne sait toutefois cacher sa déception d'avoir vu ces vestiges disparaitre : « Lavaveix existe grâce aux mines. Mais aujourd'hui, il ne reste plus rien, tout le patrimoine a été perdu et démoli, les puits remblayés. À tel point qu'une fois Courbarioux fermée, les 200 lampes utilisées par les mineurs avaient disparues ! Ils auraient pu préserver cette richesse et faire un musée », conclut-il, nostalgique.

Jérémy Lacombe

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