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Femmes de mineurs : leur bataille au grand jour

23 Octobre 2013 , Rédigé par REVEL Stephane

«J’ai l’impression d’aller à une réunion du comité des mineurs ! », s’enthousiasme Janette Longhi en entrant chez Martha Bertazzoni, à Trieux.

Fin 1963, leurs maris mineurs de fer ont participé à la grève de 79 jours au fond du puits de Sancy avec la ferme volonté de sauver leur mine et leurs emplois.

C’était il y a cinquante ans. Presqu’ hier.

La période a été tellement intense que les souvenirs sont tenaces.

• Martha BERTAZZONI :

À bientôt 82 ans, la veuve de Volbert a toujours la niaque. « À l’époque, la grève était menée par la CGT, le syndicat majoritaire. La CFTC s’en est aussi mêlée, il faut le reconnaître. Nous, les femmes, étions chargées de l’intendance. Pour nourrir nos hommes restés sous terre et nos enfants, on a collecté de l’argent. Heureusement que les commerçants nous offraient de l’alimentation. Il y avait une véritable solidarité. À tel point que celui qui n’était pas menacé d’être licencié avait mal au cœur… L’argent récolté était réparti dans des enveloppes et distribué ainsi à chaque famille en fonction des besoins. On pensait collectif, il n’y avait pas de chacun pour soi. »

« Grâce à la grève, ils ne sont pas partis sans rien. »

• Viviane VOLPI : « Le 14 octobre 1963, quand les premières lettres de licenciement sont arrivées, cela a eu l’effet d’un typhon ! », n’oubliera jamais celle qui est fille et épouse de mineur. « 258 ouvriers étaient concernés, soit la moitié de l’effectif de la mine de Trieux. J’étais gamine mais je me rappelle très bien avoir vu les mineurs brûler toutes ces lettres devant la mairie en chantant La Marseillaise. Finalement, ils sont partis avec une petite prime et surtout la possibilité de bénéficier d’une formation professionnelle accélérée pour devenir ajusteur, électricien, peintre… D’autres sont partis à la retraite ou travailler à Charbonnages de France ou sont devenus concierges à Paris.

Le lycée technique Jean-Morette à Landres, c’est grâce à eux aussi ! Mon père et ses copains ne se sont pas battus pour rien. »

« Ici, je suis devenue une femme. »

• Janette LONGHI : « C’est mon mari Daniel qui m’a fait prendre conscience de l’importance du syndicat », salue la dame originaire de Saint-Mihiel. Une pensée pour son « Dany ». « F i lle d’immigrés italiens, ma mère me disait toujours "Nos diplômes, c’est nos mains". Du coup, à la lunetterie, je ne comptais pas mes heures. Mon futur mari m’a dit qu’en faisant ça, je prenais peut-être le boulot de quelqu’un. Il m’a aussi fait lire Le sous-sol lorrain , le journal du syndicat qui existe toujours. J’ai compris. Je me suis même mise à prendre la parole lors des rassemblements de la corporation minière. Moi à qui la maîtresse avait juré que je ne serai bonne qu’à être bonne chez les autres ! Le monde des mineurs, leur combat, a été une révélation. »

• Erna ZON : « Mes parents tenaient le café du Cinéma, le quartier général de tous les mineurs », raconte celle qui épousera elle aussi une Gueule jaune.

« Derrière le bar, je ressentais toute la misère des mineurs de fond, leur détresse. La mine de Trieux était quand même menacée de fermeture [ce qui arrivera en 1968, NDLR]. La grève prendra fin le 29 décembre au soir. Ce cinquantenaire, c’est sûr, va être une grande émotion pour nous toutes. Pas une fête, mais plutôt une commémoration de nos valeurs : solidarité, fraternité, entraide. »

Propos recueillis par Virginie DEDOLA.

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