Je me souviens bien du noeud au creux du ventre...
12 Février 2011 , Rédigé par REVEL Stephane Publié dans #Patrimoine minier
C'était trois semaines avant l'arrêt du 9 d'Oignies. Nous assurions, avec d'autres journalistes de l'agence de Lens, un reportage sur la fin de la mine. Il s'agissait de raconter le travail au fond. Pas du chiqué pour visiteurs. ...
De fait, à - 850 m à la tête de la dernière taille du bassin, à Michelle 224 comme elle s'appelait, personne ne faisait semblant. Il y avait juste, peut-être, en ce petit matin de décembre, un peu plus de cris, de blagues pour impressionner les journalistes, faire les matamores devant la visiteuse que j'étais. Mais il y avait, surtout, leur fierté de donner à voir ce qu'était réellement leur travail.
Je me souviens bien du noeud au creux du ventre, mélange d'excitation et d'appréhension pendant que nous nous changions pour revêtir le bleu, le foulard de cou, nous équiper du casque, de la lourde batterie qui ballottait à ma taille. Même les chaussures étaient HBNPC (Houillères du bassin Nord - Pas-de-Calais). Dans la cage, qui nous propulsait au fond à 14 m/s, toujours le noeud, bien sûr, malgré mes airs assurés.
Maquillage charbon
Comme tout le monde je me suis arrêtée devant la sainte Barbe à la sortie de la cage, pour lui demander d'avoir un oeil sur notre descente. La statue était toute propre, derrière sa vitre, les mineurs y veillaient. Le convoi que nous formions s'est mis en route. Je n'avais pas mesuré qu'au fond, on utilisait autant de moyens de locomotion : un petit train, puis un convoyeur sur lequel il fallait se jeter à plat ventre, et une sorte de remonte-pente comme au ski mais à l'envers pour descendre au chantier.
Et là, le bruit, puissant. Le noir, la chaleur, les cris, ceux du chef porion qui balançait ses ordres, hurlant pour se faire entendre par-dessus les machines, ceux des hommes qui lui répondaient. Tout le monde se tutoyait, malgré la hiérarchie. Je me souviens de la perte de repères. Nous avons crapahuté, dans des galeries courbés en deux. Nous avons vu ces hommes continuer leur travail comme tous les jours, ne lâchant rien, alors que tout allait s'arrêter.
Nous avons discuté pendant leur pause casse-croûte, ça rigolait bien alors. Puis nous avons refait le chemin à l'envers, épuisés. Eux n'avaient pas fini leur journée. J'ai gardé plusieurs jours un maquillage charbon autour des yeux, ça, c'est pour l'anecdote. Pour ce qui est important j'ai conservé, comme tous ceux qui les ont vus, une grande admiration pour ces travailleurs du fond de la terre.
dimanche 19.12.2010, 05:17 - MARTINE DESVAUX La Voix du Nord
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