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Le centre historique minier, mémoire des gueules noires, fête ses 30 ans

9 Août 2012 , Rédigé par REVEL Stephane Publié dans #Patrimoine minier

Installé sur une ancienne fosse d'où sortaient chaque jour mille tonnes de charbon, le centre historique minier de Lewarde est depuis trente ans un lieu de la mémoire des gueules noires du Nord/Pas-de-Calais dont le patrimoine vient d'être inscrit à l'Unesco.

"Etre mineur, ce n'est pas une fatalité. Moi, j'ai commencé à 14 ans. J'ai passé un CAP d'électro-mécanicien mais je suis retourné à l'abattage. J'avais la culture de la mine déjà ancrée très jeune, mon père et mes oncles en parlaient et je connaissais ma mine avant d'y aller", raconte Daniel Francke, 63 ans, fils et petit-fils de mineur.

"J'ai quitté la mine pendant quatre ans dans les années 70, à la suite d'un grave accident dans un éboulement. Ma femme me disait +tu vas y laisser ta vie+, mais j'y suis revenu car je n'ai pas retrouvé la même solidarité ailleurs", poursuit celui qui, après 24 ans au fond des mines et une reconversion dans la restauration, a finalement remis son bleu de travail pour transmettre son vécu aux visiteurs du musée.

"La mine a fortement marqué l'histoire de la région. Ici, on a tenu à ce qu'il y en ait un panorama complet, de la formation du charbon à l'évolution des techniques d'exploitation, la vie quotidienne des mineurs et leurs conditions de travail", explique Karine Sprimont, directrice de la communication.

"La population est très fière de ce musée, et les mineurs sont heureux d'enrichir les collections en donnant leurs objets", ajoute-t-elle.

L'idée de conserver une mémoire de la mine, naît en 1973, dix-sept ans avant que le dernier puits ne ferme, dans une région où les quelque 100.000 kilomètres de galeries creusées pendant près de trois siècles ont laissé à jamais leur empreinte.

C'est pourtant en pleine campagne, loin des corons et des terrils, que les Houillères du Bassin du Nord et du Pas-de-Calais décident d'implanter le centre sur l'ancienne fosse Delloye qui, avec seulement quarante ans d'exploitation, est encore en bon état.

"Joie de vivre"

A ses 150.000 visiteurs annuels, le plus grand musée du genre en France propose de replonger dans l'ambiance d'une mine: les tapis où était trié le charbon, la "cage" où s'entassaient les gueules noires pour descendre dans les galeries, le marteau-perforateur ou encore les berlines pour transporter la houille y ont été reconstitués.

Ne manquent plus que le fracas incessant des machines et des coups de pics, la chaleur et les poussières de charbon que les mineurs inhalaient.

L'anthracose et la silicose, les "maladies du mineur", tout comme l'explosion de Courrières (Pas-de-Calais), en 1906, due à un coup de grisou qui fit 1.099 morts, y sont rappelées, ainsi que ces 29 nationalités venues travailler au fond des mines, Polonais, Belges, Italiens, Marocains et Algériens en tête.

Avant de pénétrer sous terre, le public passe par l'emblématique "salle des pendus" où des dizaines de tenues de gueules noires, casques et lampes sont accrochées au plafond.

C'est dans cette pièce que la journée de labeur débutait et prenait fin. Après avoir laissé leur vélo dans une salle mitoyenne, les 1.000 mineurs de la fosse troquaient vêtements de ville contre habits de travail, qu'ils suspendaient avec un crochet dans des "casiers volants" pour les garder au sec.

"Ce qui reste aujourd'hui, c'est cette culture née de cette activité industrielle, l'abnégation et l'ingéniosité des mineurs, leur solidarité quand ils étaient au fond, une certaine joie de vivre au jour", soutient André Dubuc, le directeur du centre.

Il estime que l'inscription du bassin minier à l'Unesco le 30 juin "est tout à fait légitime et logique car c'est un patrimoine exceptionnel et universel", la "reconnaissance d'un patrimoine immatériel - l'histoire de ces hommes et ces femmes qui ont vécu la mine - car inscrire le patrimoine matériel seul n'a pas de sens".

 

 

Créé le 14-07-2012 Le Nouvel Observateur
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